Une virée en Suède

Stockholm c’est du connu, alors cette année, mercredi dernier, c’était direction Oslo via Munich pour se rendre sur ce rallye de Suède. La bonne option ? Théoriquement, sur la carte, Oslo est plus prêt du rallye et de Hagfors (où se trouve le parc car Karlstad ne sert à rien !), mais la route est finalement moins bonne. La voiture de location récupérée à l’aéroport norvégien est montée en pneus neiges alors qu’en Suède, on a systématiquement des pneus cloutés : pas le bon plan quand on parcours le pays dont seulement les axes principaux sont dégagés ! Un petit repas avant de rallier la région de Hagfors ? Quelle addition !! La vie est plus que chère en Norvège qui profite de gisements de pétrole et de gaz.

Enfin sur place, destination le parc juste avant le départ du shakedown en ce jeudi matin. La route empruntée sert de liaison entre la spéciale et le parc, la police y est placée pour un contrôle de vitesse. L’impatience d’entrer dans le cœur de l’action et l’aiguille du compteur de vitesse oubliée est allée un peu trop loin. Quel bon début de rallye ! On commence par faire connaissance avec la maréchaussée locale ! On se sent entre français car l’autre véhicule arrêté est badgée aux couleurs de l’équipe championne du monde.

Après un petit tour de passe-passe dont on a le secret on se retrouve au cœur du parc d’assistance tout en ayant « oublié » nos pass d’accès ! Nous y voilà ! Les installations des équipes sont là, le parc s’éveille, quelques moteurs se mettent à tourner. Certains comme Brynildsen font des tours de parc pour bien s’installer à bord de leur auto. Quel plaisir pour un passionné de se retrouver au milieu de ce circus ! Latvala semble très détendu, nous salut tout en décontraction en disant être prêt pour la lutte. L’équipage monte à bord de la Fiesta et c’est parti pour les premiers tours de roue du rallye de Suède. Les pilotes partent tous, tour à tour, pour leur premier run dans le shakedown. Les emplacements se sont peu à peu vidés, tous les concurrents sont partis sur le parcours. On patiente, lorsque Dani Sordo revient de son tour : l’espagnol, toujours souriant, regrette le manque de neige. Contrairement à son habitude, il est peu loquace, peut-être était-il déjà contrarié par sa non participation au Mexique ? Il y a peu de modifications effectuées sur les autos, il semblent que les équipages ne souhaitent pas forcément faire beaucoup de passages, mais difficile de voir tout le monde, il est temps d’aller voir ces autos en action sur le parcours du shakedown !

A quelques kilomètres du parc, le shakedown est facilement accessible, en arrivant sur la spéciale, on a du mal à reconnaitre le parcours. Il n’y a pas de murs de neige, cela semble complétement changer le profil de l’ES. Les pilotes prennent des trajectoires plus tendues, il se lâchent moins, la glisse n’est pas aussi importante que d’habitude, ils n’ont pas la possibilité de « tout lâcher » en s’appuyant sur les murs de neige. Néanmoins, la sortie de certaines courbes sont grandioses : la glisse est bien là ! Quel spectacle que ces autos sur la glace. Après quelques passages, c’est déjà le break avant la nouvelle formule de qualification. On a pas bien en tête la nouvelle procédure, on discute avec d’autres : personne n’a le même avis ! Profitons des passages, on verra bien le résultat ! Les passages sont énormes ! C’est très très rapide ! Sur un parcours court de quelques kilomètres, après plusieurs passages le matin et plusieurs années d’utilisation du tracé, l’exercice se rapproche d’un tour de qualif sur circuit. Ca envoie du lourd ! Encore ne faut-il pas commettre l’erreur avant le rallye qui pourrait compromettre la participation !

Retour au parc où l’on apprend que JML a effectué le meilleur temps. On félicite l’ingé de Latvala qui dit réfléchir à la position de départ qu’ils vont choisir pour le lendemain. Les équipes disent toute réfléchir sans vouloir dévoiler leurs intentions. On insiste auprès de Petter Solberg mais il nous donne RDV au soir. Ce système est une première et la stratégie à adopter en Suède n’est pas si évidente que sur un rallye terre où il faut à tout prix éviter le balayage. Tout le monde se cherche, quand le soir on apprend les choix devant la TV, on est surpris des ordres de départ si loin choisis.

Vendredi matin, c’est la première vraie spéciale, on se lève tôt pour aller à la frontière norvégienne, on choisi un accès dans l’ES2 juste du côté suédois. Beaucoup de monde à cet endroit avec des animations et des stands aux couleurs de Petter Solberg. On se positionne dans un droite tout en devers, mais la pente est si forte que les pilotes se méfient, les passages sont trop lents à notre gout. En descendant un peu sur la spéciale, une longue allonge avec une petite crête jusqu’à une épingle est plus spectaculaire. Les Proton sont impressionnantes dans ce secteur ! Le soir on apprendra en lisant le guide du rallye qu’on s’est garé dans le jardin de Petter Solberg qui servait de parking ! On effectue trois autres spéciales en cette première journée. Pour la dernière, on se gare sur un lac en arrivant à la dernière minute alors que toute la journée on parlait des températures plutôt « chaudes » pour le pays (environ -4°); trop pris par le speed du rallye, on n’hésite pas ! Difficile d’avoir des infos sur les temps, mais on cherche pas vraiment à en avoir tellement on se régale à regarder passer ces autos en glisse. Mais on sent bien que Mikko Hirvonen et Jari-Matti Latvala sont très rapides ! En apprenant que Loeb s’est pris 10s de pénalité puis est resté planté dans un mur de neige 2min, on se dit que ce n’est pas vraiment son rallye même s’il a déjà eu l’occasion de le gagner.

Au programme du samedi, 4 passages : deux dans Vargåsen, deux dans Fredriksberg. Dans Vargåsen, on évite Colin’s Crest par peur de la foule en se posant dans un grand S avec de belles glisses puis dans un grand droite. Chaque fois Sandell nous régale ! Il est en travers de partout avec sa Mini ! On sent bien qu’Ogier pousse la Fabia dans ses retranchements, c’est la grosse attaque ! Fredriksberg est pour moi sans doute la plus belle spéciale de ce rallye ! J’en avais déjà un bon souvenir de sa première partie, la fin de la spéciale est aussi très bien ! Où qu’on se mette dans cette spéciale, il y a vraiment du beau spectacle à voir. Lors du premier passage, on se positionne sur l’une des 4 bosses qui s’enchainent sur une belle ligne droite se terminant par un beau gauche. Ca jumpe partout ! Intéressant de voir les pilotes aborder les jumps de manières différentes : ceux qui lâchent rien, ceux qui relâchent un peu les gaz juste avant le jump, ceux qui lèchent les freins au décollage pour positionner l’auto, … Nobre, premier à passer, manque d’atterrir à côté de la piste alors qu’il n’avance pas et y laisse une bonne partie de pare-choc ! Ogier fait un passage étonnamment sage en freinant sur chaque bosse. Le deuxième passage, à la nuit tombante, est un vrai toboggan ! Ca descend, c’est étroit, ça vire à droite à gauche en devers avec des crêtes tout ça au milieu des arbres à de hautes vitesses. Henning Solberg nous fait un passage de folie ! Entre 2 crêtes, sa Fiesta est complétement déstabilisée, elle est presque en travers de la route, mais quelle maitrise ! On imagine le petit coup de volant tout en gardant le pied au plancher, l’auto reprend le bon cap pour sauter sur la deuxième bosse ! Powah ! Quel passage ! En vivant ce genre d’action à quelques centimètres du bord de la route, on se dit qu’il faut en avoir une sacré paire ! Comme la veille, sans vraiment connaitre le détail des temps, on a bien vu du bord de la route que ça bastonnait sec entre Hirvonen et Latvala ! Ces deux là passaient très fort !

C’est déjà dimanche, après Rämmen, dans Lesjöfors, sur un bel enchainement devant une ferme typique, on trouve que les 3 premiers attaquent fort alors que l’on pensait qu’ils n’avaient qu’à « rentrer » les écarts étant trop importants. On apprendra ensuite les crevaisons des équipages Ford. C’est l’heure de la dernière spéciale : la power stage sur laquelle il a fallu se rendre rapidement. Sur la route, 2 WRCs sont arrêtés sur le bas-côté, on décide de s’arrêter. Henning Solberg termine ses changements de roues, une occasion de le féliciter de ses beaux passages qui nous régalent du le bord de la route, il répond poliment, mais c’est quand on évoque sa bataille avec Loeb que ses yeux pétillent : « ça c’est bon ça ! ». Juste derrière c’est le tandem Loeb/Elena qui monte des pneus neufs sur la DS3. Quand je demande à Loeb si ça va être la grosse attaque dans la power stage pour choper les 3 points, on sent qu’il a hâte de terminer se rallye et répond agacé : « Il y a 90% de chances de crever dans cette spéciale si tu attaques ! ». De l’intox ! Puisque le français a effectué le meilleur temps !

Au bord de la power stage, on se retrouve tout juste à côté du père de Jari-Matti qui est impatient de voir arriver son fils. On espère que le finlandais ne commettra pas de boulette comme il a pu faire par le passé. En attendant, on apprécie les passages : le vol de Nasser Al-Attiyah, le passage étonnamment très prudent de Novikov. C’est là que l’on prend conscience de la très bonne course du Russe sur lequel Loeb n’a pu revenir. C’est le tour de l’arrivée de Jari-Matti Latvala, son père est soulagé et lève le pousse. L’image que je retiendrais, c’est Petter Solberg qui saute dans les bras de JML. Une longue etreinte, le norvégien semble sincèrement heureux de la victoire de son co-équipier. Quel plaisir de vivre ces moments après avoir pu observer ces autos sur les spéciales ! La passion, la passion !! Ce long moment que passe Latvala & Antilla bras levés sur le capot de la Fiesta est aussi très spécial. J’observe Jari-Matti qui se relâche et profite pleinement de sa victoire. Son regard échappe à la bousculade autour de la Fiesta, il est sur son nuage.

On file vite vers le parc pour la dernière assistance du rallye avant le podium. Chez Ford, on prépare, non pas le champagne mais un espèce de cidre pour accueillir la Fiesta victorieuse ! La Fiesta arrive, tout le monde applaudi, une fois de plus Petter félicite Jari-Matti, le finlandais fait le tour de l’équipe avec une énorme banane. Je profite de la chance d’être là pour le féliciter : il est heureux et soulagé après sa dernière crevaison qui aurait pu tout faire basculer. Tout juste le temps de féliciter toute l’équipe que l’assistance est déjà terminée. L’équipage doit conduire l’auto jusqu’au podium à presque 1 heure de route, les hommes sont déjà en train de démonter les installations. Les bouteilles ayant arrosé la Fiesta trainent, on décide de s’en occuper pour un dernier cliché avant de quitter la Suède.

Quel rallye ! Quel plaisir de voir ces autos en glisse, de voir des passages à des vitesses inimaginables, d’apprécier ces coups de volant (je parle pas forcément de Nobré là !) sur une surface si spécifique. Quel plaisir de partager ça avec les amis. Quel plaisir que d’entendre ces moteurs hurler au fond des bois en attendant le passage de feu les pieds dans la neige. Quel plaisir que de vivre ces moments de passion au plus près des équipes qui mettent tout en œuvre pour la victoire ! Quelle passion !!!

      Les

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