Le jour où je suis monté avec un champion du monde WRC (partie 2)

Suite de la première partie.

C’est le moment ! Le moment tant attendu ! Je vais monter à bord de ces monstres, cette nouvelle génération de WRC qui nous donne déjà tant de plaisir du bord de la route ! J’enfile cette combi, presque tremblant, je n’arrive pas à boucler le casque, Julien me donne un coup de main. On sent que ce champion du monde de copilote fait tout avec application y compris me guider pour me prêter sa place. Enfin… sa place… Je vais juste m’assoir ! Première chose, il faut entrer dans cette auto ! Avec ces bas de caisse proéminents sur ces 2017, l’enjambement de l’arceau devient un peu plus compliqué; allez, on tend la jambe, on s’accroche où on peut et on arrive à grimper dans l’auto sur chandelles. Julien, toujours aux petits soins, m’explique les éléments principaux autour de moi : « là, c’est le PTT, si vous vous crashez, tu appuies, tu es en lien direct avec l’équipe pour nous prévenir ». J’écoute attentivement et acquiesce. puis « là, tu lèves et puis tu déclenches les 2 extincteurs qui sont ici et là », « ah, ok… », il continue : « ici c’est pour couper les harnais s’il sont bloqués ». Là, j’me dis : il me met en conditions là ! Et j’essaie de changer de thème : « Et ce bouton c’est quoi ? », il me répond « c’est pour déclencher l’essuie-glace » : ah cool c’est pas le siège éjectable ! Il est tant de se sangler, on serre tout ça, on se cale bien.

Sébastien Ogier qui était en train de dialoguer avec l’équipe monte dans l’auto, s’installe à son tour et branche son casque : ça y est, on est en connexion, on peut échanger quelques mots avant qu’il ne me lâche un « c’est bon ? prêt ? » Hé que oui, je sui prêt ! Contact, la marche arrière est enclenchée via le petit levier, le rapport claque : petite manœuvre, on part directement sur la spéciale. Ca décolle fort, l’auto slalome, en fait ce n’est que la chauffe des pneus pour se rendre au départ de la spéciale. Le frein à main est tiré, on est presque en ligne pour le départ. Séb me demande une nouvelle fois si je suis prêt, déjà un peu moins sûr de moi je bafouille un truc juste avant que l’auto monte en régime, la procédure de départ bloque les tours moteur, le pilote relâche le frein à main et c’est le décollage ! La Fiesta patine un peu, cabre pas mal, je ne vois plus grand chose : ça défile sur les côtés sans que je ne vois la route devant. Le premier droite est à fond, puis c’est un gauche avant une petite allonge et un freinage. On y voit mieux, l’auto plonge pas mal ! Après les deux premiers virages où je suis un peu submergé par les sensations procurés, je reprend mes esprits et j’essaie d’observer plus finement : le travail du pilote, les réactions de l’auto, j’y parviens car je me sens tout à fait à l’aise, j’éprouve étrangement le sentiment d’être en totale sécurité alors que je suis à bord d’une auto à 130 km/h de moyenne sur un chemin de terre forestier étroit et boueux !

On sent que Seb bosse derrière le volant : il est concentré, il agite, sans cesse, bras et jambes, mais il fait ça de manière si sereine que ça peut même paraitre facile ! Les courbes s’enchainent avec plus ou moins de dérive, jusqu’à ce gauche où l’on se surprend à regarder la route non pas par le pare-prise mais par la vitre latérale ! Les pierres semblaient nombreuses du bord de la route, mais tout est avalé par l’auto, les chocs ne sont pas si importants que ce que je pouvais penser. Bien évidemment, on entend passer tout ça dans les passages de roues, mais ça ressemble presque à du sable de l’intérieur. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, on est est presque confortable dans ces baquets. Il y a seulement un gros rail en fin de base d’essais qui donne un bon coup dans le bas du dos. On arrive au bout, le frein à main est tiré, j’en profite pour questionner Seb sur sa manière de travailler : Comment fait-il pour comparer les passages avec des réglages différents alors que les conditions changent également (dégradation de la spéciale, conditions météo, habitude de passer, …) ? Comment faire la différence entre un changement dû aux réglages ou au changement de conditions ? Il m’explique qu’il jette un œil aux temps juste pour regarder s’il n’y a pas une différence significative. Mais qu’il fait confiance avant tout à ses sensations. Là dessus, il vient de relâcher le frein à main, on est est reparti pour faire la spéciale en sens inverse.

J’essaie de jeter un œil au champion en plein ouvrage : il y bosse pour la piloter cette caisse ! Je le sens très concentré, je n’ose pas parler pendant les runs mais seulement au demi-tour. Son regard porte loin et en même temps il balaie en permanence devant l’auto. On a vraiment l’impression qu’il fait ce qu’il veut de cette auto. On prend de la vitesse sur cette petite allonge, un gauche rapide au loin, mais on est toujours en pleine accélération, puis soudain ce coup de pied gauche sur les freins, il est bref mais intense pour placer l’auto qui réagit immédiatement, la glisse est contrôlée, on ressort en mordant sur l’herbe. On passe devant les potes, un petit signe, même à cette vitesse, on a finalement le temps de voir qui est au bord de la route.. Nous voilà déjà au bout de ce premier aller-retour. On part pour le suivant, j’ai pris quelques repères et sait un peu plus à quoi m’attendre donc j’essaie d’en profiter encore plus en essayant de ressentir ce qu’il se passe et encore une fois en observant l’artiste au boulot.

Le terrain est glissant, les corrections au volant sont incessantes. A l’esprit me vient ma seule très maigre expérience de conduite sur la terre qui se résume à 1 ou 2 jours de stage, à travers les propos de l’instructeur : « tu inscris l’auto, tu prends un angle que tu ne quittes plus, tout le reste se fait aux gaz jusqu’au dé-braquage pour sortir de la courbe, on ne change pas d’angle de volant dans le virage ! » Hé ben ! On y est pas du tout !! Le travail au volant, sur les gaz, les freins est permanent, tout en maitrise de ce monstre qui avale tout sur son passage. Nous voilà à l’approche d’un droite en 5, la Fiesta est inscrite pour prendre la courbe, peu à peu, elle dérive de plus en plus, Séb lache le volant pour approcher sa main du frein à main. Le FAM dans une courbe aussi rapide ?! L’auto dérive toujours un peu plus, l’arrière doit pas être bien loin du bord de la route, on est vite là ! Sa main est toujours prête à actionner le stick : on serait pas un peu limite là ?! Qu’est-ce qu’il se passe ?!! Puis l’auto se cale, et c’est gaz jusqu’au freinage suivant. Plus loin, c’est dans un gauche que l’auto dérive un peu plus que précédemment, à ma droite, c’est un tas de bois que je vois approcher dangereusement ! Impressionnant ! On arrive ensuite dans une zone très humide où Seb m’indique qu’il y a de plus en plus d’eau dans ce virage, on sent qu’il est bien plus prudent. On passe les panneaux de fin d’ES, les gaz sont enfin relâchés. Il jette son coup d’œil sur la console qui vient d’afficher son temps alors que je lui indique avoir l’impression qu’il était bien plus incisif sur ce run. Seb me répond qu’il vient de faire le même temps au 10ième près que lors du passage précédent.

Et on repart pour la dernière descente. C’est fou cette sensation, mais j’ai l’impression de m’habituer au fil des runs, d’être un tout petit peu moins impressionné et de pouvoir être encore plus conscient de ce qu’il se passe dans cette Fiesta WRC. Attention, je ne suis pas complétement détendu non plus, j’essaie de pousser sur mes jambes pour ne pas être trop secoué et afin de voir un peu la route, je sens que ma respiration est intense alors que je ne fais pas vraiment d’effort. On est déjà en bas de la base, au ralenti, on rentre à l’assistance, j’en profite pour remercier une centième fois Séb. L’auto est montée sur les chandelles, Séb débriefe déjà avec les ingés, Julien vient m’aider à m’extirper de ce baquet. Je suis en sueur, j’en ai pris plein les yeux, quelles sensations ! J’essaie de livrer mes sensations, Julien m’écoute comme s’il n’était monté qu’1 ou 2 fois dans cette auto ! Le moment est exceptionnel mais entouré par de telles personnes, c’est inoubliable !

J’avais déjà effectué un premier baptême lors des tests Monté-Carlo 2016, mais finalement peu de choses comparables. Le terrain n’était pas le même : asphalte vs terre. Tout semble un peu plus lissé par l’effet de glisse de la terre : les accélérations et freinages sont moins ‘directs’, l’auto semble évoluer plus progressivement. En même temps, cette glisse est exploitée à merveille par le pilote dans ces dérives qui font de la terre l’une des surfaces idéales pour le rallye.  Les autos ont sacrément évoluées depuis, cette nouvelle génération 2017 est démoniaque quand ont voit ça du bord de la route. Pas facile de le ressentir aussi bien de l’intérieur pour un novice. Et l’équipage était différent avec une expérience incomparable. Quelle chance de vivre ça avec eux alors qu’ils étaient en train de préparer le rallye où ils allaient décrocher leur 5ème titre mondial ! De plus, dans une équipe si sympathique et avec des hommes et des femmes si passionnés par leur travail. Merci, merci, merci à tous pour cette énorme expérience !!

 

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