Kubica, patron de sa propre équipe

Robert Kubica qui avait décidé de basculer de Citroën à M-Sport pour sa saison WRC 2014 après une année en WRC-2 s’est finalement retrouvé à pied en fin d’année dernière. La saison fut très difficile, Malcolm Wilson reprochait au polonais de ne pas écouter ses consignes et de multiplier les sorties de route alors que Robert Kubica reprochait à M-Sport de ne pas fournir un matériel au niveau. Difficile dans ces conditions de terminer l’année et surtout de poursuivre la collaboration.

En fin de saison 2014, la position de Kubica est de continuer en WRC seulement s’il peut le faire au volant d’une WRC au top sans cela il pourrait revenir au circuit où l’on parle d’une belle offre en DTM. Les baquets officiels étant déjà pourvus chez VW et Hyundai, on pense à Citroën. Alors qu’Yves Matton évoque une piste d’un programme WRC + WTCC pour le polonais, c’est finalement Mads Ostberg qui est confirmé dans la deuxième DS3 WRC aux côtés de Kris Meeke. Après la déconvenue avec M-Sport, on pense à un retour de Kubica avec PH Sport qui faisait rouler sa DS3 RRC en 2013, mais du côté du team français on annonce des négociations stoppées. Et pendant ce temps là, Robert Kubica participe au Bettega puis au Monza qu’il remporte avec une Fiesta WRC de l’équipe italienne A-Style avec laquelle il avait déjà collaboré en cours d’année sur le Casentino, manche du championnat italien. Début décembre, le polonais se retrouvait à pied, plus rien. Mais où sont donc ces fameuses offres mirobolantes pour revenir en circuit ? Est-il si passionné par le rallye et si investi qu’il ne souhaite plus revenir à la piste ? Puis ses sponsors l’on appelé signifiant leur souhait de poursuivre, Kubica est populaire en Pologne, son nom est porteur.

Robert Kubica décide ainsi de monter son propre team à 1 mois du premier rallye de la saison. Comme le rappelle Colin Clark, le polonais qui vient de la F1 a de telles exigences et attend un professionnalisme qu’il n’a trouvé ni chez Citroën en 2013, ni chez M-Sport en 2014, sa décision de monter sa propre structure pour répondre à ses propres exigences n’est finalement pas si farfelue. Toujours épaulé par son agent, Marcin Czachorski, qui a œuvré pendant les fêtes pour tout mettre en place avec ses partenaires, Robert Kubica a du monter une équipe complète. Daniele Pelliccioni, responsable du Citroën racing trophy italien, directeur sportif de Procar, représentante italienne de Citroën racing, est ainsi le coordinateur de l’équipe RK WRT. Le polonais a également recruté des hommes qu’il a croisé sur son parcours sans forcément l’expérience du rallye mondial. Sur ce Monté-Carlo, sa Fiesta WRC était une location A-Style, mais dès le mois prochain son équipe s’installera dans ses propres locaux près du lac de Come dans le nord de l’Italie. Il compte acheter dès que possible une Fiesta WRC 2015. Dès le portugal ? Même si les rapports avec M-Sport semblent s’être détendus en ayant reçu un support de la structure anglaise lors de la préparation au Monté-Carlo, il parait difficile de pouvoir aligner la même voiture que le producteur des autos au même moment. En effet, c’est bien au Portugal que l’équipe de Malcolm Wilson compte aligner sa nouvelle voiture 2015. Si la grosse facture est prête à être réglée, le businessman anglais se laissera peut être convaincre… Le plan du RK WRT serait même de louer la voiture actuelle à des privés, une nouvelle source de revenus… Rien de sûr car Kubica ne se sent pas vraiment l’âme d’un homme d’affaire… D’ailleurs, il a décidé de ne pas inscrire son équipe au championnat. Il économise ainsi les frais d’inscription et ne subit pas les contraintes des équipes comme la limitation des essais. Il compte effectuer également des manches hors WRC et éventuellement profiter de séances de travail avec Pirelli.

Le manufacturier italien Pirelli est partenaire de la petite équipe. Ainsi Robert Kubica va pouvoir travailler de manière étroite avec son fournisseur. Il n’aurait sans doute pas pu le faire avec Michelin qui chausse toutes les usines. Le pneu Pirelli peut être compétitif dans certaines conditions sur l’asphalte ou sur la neige comme l’a souligné Henning Solberg l’année dernière. Dès la séance d’essais d’avant Monté-Carlo, Robert Kubica a pu tester le pneu italien et a pu évaluer son niveau de performance. Les images de la Fiesta WRC attaquant le bitume sont extra-ordinaires, le polonais attaque à outrance, quel pied de voir ça ! Pendant le rallye, ça passe toujours aussi fort. Alors oui, ça n’arrive pas toujours au bout, ce qui est le but premier du rallye, mais quel bonheur de voir un pilote attaquer autant, exploiter autant la route et son auto ! Et quelle perf, quand il signe cet énorme scratch dans les 51km de l’ES10 en mettant plus de 33s au deuxième, 41s à Loeb !

Dans quelle aventure s’est donc lancé Robert Kubica ? Etre pilote et patron d’équipe en parallèle ? Il est toujours en apprentissage au volant d’une WRC et doit se concentrer au maximum sur sa tâche. Même si pour lui, ce n’est pas contradictoire, il va être difficile d’allier les deux. Gérer une équipe est une tâche ardue, consommatrice de temps et prend une place importante dans un esprit qui devrait être consacré à la compétition. Petter Solberg, un pilote expérimenté, n’a pas réussi à obtenir une victoire tant recherchée en montant sa propre équipe. Certes, les deux hommes n’ont pas la même approche ou le même caractère, mais Solberg s’y était épuisé. Kubica qui vient d’un monde F1 où tout est analysé en permanence où tout est modélisé pour mieux contrôler avait besoin de plus de leviers. Mais la nature même de la discipline permet-elle d’y appliquer ces formules ? Le rallye est composés par des paramètres innombrables et l’improvisation en est une grande composante. Une nouvelle approche ? On l’a vu à l’œuvre à l’assistance sur ce Monté-Carlo : il dirige les mécanos, vérifie avec l’équipe les paramètres dans la voiture, nettoie l’auto,… Il a besoin de ça, de s’impliquer. Souhaitons lui le meilleur des succès !

 

Robert Kubica : « Quand vous êtes en F1, vous êtes habitués aux plus hauts standards. Maintenant, mon rêve est de bâtir une équipe aussi bonne que les équipes au top du WRC.

Au moins autant que l’argent, c’est de temps dont nous avons manqué. Il y a quelques semaines de cela, le team n’existait pas. Mettre une équipe sur pied en un aussi court laps de temps, c’est aussi du sport… Nous avons recruté des personnes que je connais depuis quelques années, mais la plupart des gens qui m’entourent n’ont aucune notion du rallye au niveau mondial. Ils compensent par leur enthousiasme et leurs efforts, mais rien ne remplace l’expérience. Et ce sera d’autant plus difficile sur les rallyes lointains comme le Mexique ou l’Argentine. Il faut espérer que nous atteignons notre rythme de croisière au Portugal. Lorsque tout sera sur des rails, cela devrait mieux se passer aussi parce que je n’aurais plus à me consacrer qu’au pilotage. Je ne suis pas un businessman, je ne suis pas un responsable d’équipe, je n’ai pas la mentalité pour ça. Mais en ce moment, nous sommes toujours en train de construire l’équipe et j’ai un peu d’expérience des différents teams où j’ai piloté qui peut être très utile. Mais je suis le pilote. Ce que nous avons fait c’est la meilleure chose pour cette année et certainement pour l’avenir mais c’est seulement pour ma voiture.

Jusqu’à ce que je sois aux essais d’avant rallye ou aux recos où je fais mon job de pilote, entre les rallyes, je suis occupé à plein d’autres choses. Par exemple, ce matin, je m’occupais du ravitaillement en essence pour le Mexique. Mais ça me plait, c’est un nouveau challenge.

Depuis que ce projet est lancé, je réalise que si l’on veut bien faire dans un team privé, cela coûte au moins aussi cher que de louer une voiture dans un team officiel. Et surtout, que le risque financier est bien plus grand, car c’est son propre capital qui est en jeu. Les deux jours et demi d’essais avant le Monté-Carlo ont, par exemple, représenté un investissement conséquent.

Je veux être plus régulier mais je ne veux pas perdre ma pointe de vitesse pour devenir régulier. C’est la différence avec les meilleurs pilotes, ils vont au bout en effectuant les meilleurs temps. Partout dans les sports mécaniques, c’est comme ça. Si quelqu’un m’avait dit il y a 2 ou 3 semaine que nous aurions montré autant au Monté- Carlo, je ne l’aurais pas cru. Mais quand nous avons testé avec les pneus Pirelli pour la première fois j’ai pensé que cela pouvait être possible. Quand les conditions étaient bonnes, je savais que nous pouvions attaquer. Qui sait ? Peut être que c’était la première et dernière fois que nous faisions des meilleurs temps de l’année. Nous savons que dans certains endroits nous pouvons avoir un avantage ou un désavantage avec les Pirelli, mais n’oublions pas que nous sommes dans une voiture privée et que nous nous battons avec Volkswagen et Citroën. »