Retour sur la bataille finlandaise

C’est sans doute avant le rallye de Finlande, lors des essais que s’est joué la victoire entre Ford et Citroën. Ford a passé 4 jours à travailler d’arrache-pied avec des journées interminables. Résultat ? Un rallye de Finlande où l’équipe Ford n’a jamais semblé être en mesure de lutter avec Citroën : toujours un peu en retrait.

La suspension est cruciale en rallye et encore plus en Finlande où les jumps doivent être absorbés, où l’auto doit être la plus directive possible pour tenir dans les grandes courbes sans louvoyer. Ford travaille en partenariat avec Reiger pour ses amortisseurs. Sur les essais, une personne de la marque hollandaise était détachée pour travailler sur la Fiesta. C’est loin d’être le cas sur tous les tests, Reiger veut donc faire progresser son produit. On a pu constater que les réflexions étaient intenses entre les runs : on discute entre ingés d’exploitation et Reiger, on réfléchi, on se penche sur les amortisseurs en cours de montage, on discute de nouveau, on passe un coup fil aux bureaux d’étude… L’échange était constant et permanent lors de ces essais. C’est le soir du troisième jour que l’équipe semblait se poser le plus de question : la personne de Reiger est mise à contribution sur les réflexions. Les visages tendus, on sent que l’équipe est à la recherche de solutions alors que l’on arrive en fin de journée. Le dernier jour des essais Ford, même si Jari-Matti nous affirmait que tout était ok, on sentait bien une certaine fébrilité de l’équipe qui a insisté pour faire un dernier run où tous les réglages amortisseurs ont été changés. Alors que ce même jour, chez Citroën, tout semblait se faire paisiblement. Dès les premiers runs, Mikko nous confiait déjà que la réception de jump de la DS3 était très bonne. C’était certainement l’effet des nouveaux amortisseurs montés sur la DS3. Contrairement à Ford, Citroën produit elle même ses amortisseurs et depuis quelques temps essaie de les améliorer. Ainsi les amortisseurs essayés en Finlande avait déjà été utilisés en tests, mais le terrain Finlandais si typique a permis de confirmer la progression. Loeb n’a roulé qu’une journée le dimanche, mais cela a suffit à valider le choix. L’équipe a ainsi choisi au dernier moment de monter ces amortisseurs sur les DS3 pour la course.  Comme l’avoue Xavier Mestelan-Pinon, responsable technique Citroën Racing, l’idée de déplacer la bonbonne de gaz de l’amortisseur vers le bas vient tout simplement de la concurrence ! Comme pour le montage des amortisseurs en biais, les échancrures des élargisseurs d’ailes, les réglages souples, … Les progrès de Citroën viendraient d’idées de Ford ?!!

Comment expliquer que Ford n’arrive pas à exploiter ses idées ? Comment se fait-il que l’équipe n’arrive pas à traduire en résultats ce qui ressemble à une avance technologique ? L’équipe Ford a moins de moyens et il s’agit certainement d’une des raisons qui fait qu’une idée technique ne peut être poussée au bout et être validée correctement. Du côté Citroën, on travaille certainement plus les solutions avant des les utiliser. En exploitation, l’équipe mélange de jeunes talents à l’expérimenté Didier Clément, ingénieur de Sébastien Loeb. Loeb qui a su au fil du temps mettre au point son auto en harmonie avec son équipe où il se sent chez lui. Hirvonen a sans doute apporté une fraicheur un point de vue nouveau qui a du faire progresser l’équipe. Du côté de Ford, si on s’appuie sur l’ingénieux Christian Loriaux qui dirige la conception de l’auto, on manque certainement d’expérience à l’exploitation. Petter Solberg à tout essayer dans ses réglages ne semble pas être le plus ordonné et organisé pour que l’équipe puisse en profiter malgré son expérience. Jari-Matti est-il un bon metteur au point ? Il a avoué que l’année dernière ses tests Finlande n’étaient pas bons. Et cette année ? De nouveau, en début de rallye, le finlandais n’avait pas les bons réglages. Le manque d’expérience malgré ses nombreux départs en WRC (uniquement avec Ford) se fait certainement sentir. L’équipe ne peut profiter d’un Marcus Gronholm et de son expérience notamment chez PSA comme il y a quelques années.

Avec ce progrès de la DS3, la lutte s’est donc réduite à un duel entre équipiers Loeb-Hirvonen. Avec la même auto, les performances sont forcément proches. Ce rallye n’a pas débuté tôt le matin comme le déteste Loeb qui était dans le rythme dès la première ES. Hirvonen n’a pas voulu prendre trop de risque dès le départ et s’est laissé distancé. Il n’a pas pu revenir. Loeb a contrôlé tout le reste de la course. Le français semble ne même pas avoir forcé même s’il dit avoir attaqué fort. Il dit ne pas avoir pris autant de risque que pour ses autres victoires en Finlande. Le français a tout simplement fait parler son incroyable talent.

Si jusque là les Fiesta et DS3 semblaient à un niveau équivalent avec une Citroën plus précise dans le serré et une Ford un peu plus performante dans le rapide, il parait évident que la DS3 a progressé de manière importante grâce à cette évolution. La première moitié de saison a été très difficile pour Ford avec une seule victoire alors que l’on sentait la Fiesta largement capable de battre la DS3; avec une Fiesta un cran en dessous, la deuxième partie de saison risque d’être très difficile pour l’équipe anglaise. Mais le reste de la saison est majoritairement composé d’épreuves sur le goudron alors que cette évolution touche la configuration terre de la Citroën. Une chance pour Ford ? On connait le niveau de performance de Loeb et Citroën sur ce terrain… A moins que Ford sorte à son tour de son chapeau la solution magique qui ferait progresser la Fiesta sur l’asphalte de manière significative après son développement sur circuit…

Xavier Mestelan-Pinon : « C’est une refonte complète de la technologie que nous utilisions pour nos amortisseurs depuis la naissance de la Xsara. Nous avons inversé le montage des amortisseurs: jusque-là, la bonbonne de gaz était placée en haut, désormais elle est en bas. On n’a rien inventé, car nos adversaires utilisent cette technologie depuis longtemps, mais nous n’avions jamais exploré cette voie. Cela fonctionnait d’ailleurs très bien comme ça, mais nous nous sommes aperçus que nous bloquions sur certains développements du fait de l’ancienne architecture. Comme nous concevons nous-mêmes nos amortisseurs, plutôt que de faire appel à un sous-traitant comme d’autres équipes, nous avons dû tout redessiner. Cela influait aussi sur la répartition des masses et les circuits hydrauliques et il a fallu revoir certaines choses. Cela fait un an que nous travaillons sur ces nouvelles suspensions. Nous les utilisons en tests depuis plusieurs mois, mais, avant de les installer en course, il fallait qu’on soit certains qu’ils soient au moins aussi solides que les actuels et qu’ils nous fassent gagner du temps. C’est le week-end dernier, lors des ultimes essais préparatifs à la Finlande, que les pilotes nous ont dit qu’ils étaient plus que satisfaits de l’apport de ces nouveaux amortisseurs. Nous avons donc décidé de les utiliser pour la course. Ca s’est fait un peu en catastrophe car ce n’était pas prévu et les gars ont travaillé toute la nuit de mardi à mercredi, à l’usine, pour assembler les pièces. Les délais étaient si serrés que ni Seb ni Mikko ne disposaient de pièces de secours ce week-end. Il est difficile de quantifier ce que cela nous a apporté sur cette course, mais c’est certainement allé dans le bon sens au niveau des réceptions de bosses et de l’équilibre de la voiture, de la tenue de route, du comportement général. Nos pilotes ont pu évoluer en confiance et attaquer sans prendre trop de risques. C’est une grande satisfaction, car nous avions le sentiment, depuis le printemps, d’être un peu justes par rapport à Ford et nos pilotes, sur les séances d’essais, étaient demandeurs de nouveautés. On se demandait parfois comment Latvala faisait claquer ses temps. Désormais, on se pose moins la question ! »

Christian Loriaux : « On a tout de même eu un super week-end parce que les pilotes ont bien roulé, ils n’ont fait aucune erreur, comme l’équipe. On n’a rien touché aux voitures. On n’a pas eu un seul problème. On a calculé qu’on était 7/100e de seconde au kilomètre plus lent en moyenne que Citröen! C’est tellement faible. Je pense que Citröen a amélioré un peu sa voiture. Mais on est très proche. Sébastien a une nouvelle fois montré pourquoi il est huit fois champion du monde. »

Et parce qu’il faut voir ces moments cruciaux, qu’ont été les essais pré-Finlande, en images, la vidéo d’Extrem Rallye avec les tests de Ford et Citroën :

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